Le Tribunal de l’Union européenne a rendu sa décision sur les recours introduits par les trois capitales européennes et annule partiellement le règlement fixant des limites d’émissions d’oxyde d’azote trop élevées.
L’arrêt rappelle la recevabilité des recours déposés par des villes et établit ainsi un important précédent juridique, afin que les villes puissent agir en justice et défendre l’avenir et les intérêts de leurs citoyens.
L’action en justice a été menée par les maires Anne Hidalgo, Manuela Carmena et Philippe Close, défendue par l’avocat Jérémie Assous.
(13 décembre 2018) —Le Tribunal de l’Union européenne a aujourd’hui confirmé que les villes de Paris, Bruxelles et Madrid pouvaient contester les règlements sur les émissions des véhicules fixés par la Commission européenne et adoptés par les gouvernements des États membres. Le Tribunal estime que la Commission n’avait pas le droit d’adopter les valeurs d’émissions d’oxyde d’azote retenues après le scandale du Dieselgate.
Le règlement n° 2016/646, introduit dans la foulée du scandale Dieselgate, fixe des limites maximum d’émissions d’oxyde d’azote par les véhicules à moteur diesel lors d’essais en conditions de conduite réelles (essais RDE). À compter de septembre 2017, pour les nouveaux modèles, les émissions d’oxydes d’azote pouvaient ainsi dépasser en toute légalité la limite de 80 mg/km, à hauteur de 168 mg/km, soit un taux supérieur de 110 %.
Jérémie Assous, l’avocat représentant les villes de Paris, Bruxelles et Madrid a fait valoir que ces limites d’émissions constituent ce que la Maire de Paris, Anne Hidalgo, a appelé un « permis de polluer », ainsi qu’une régression de la législation européenne en matière d’environnement en vigueur destinée à protéger la santé publique et améliorer la qualité de l’air. Le règlement est décrit comme une « trahison de l’Accord de Paris » pour son échec à permettre une transition favorable aux véhicules propres et nécessaire à contrer le changement climatique.
Le Tribunal constate également qu’un “recours en annulation formé par une personne autre qu’un État membre ou une institution de l’Union à l’encontre d’un acte réglementaire est recevable”, reflétant ainsi l’autorité croissante des villes en tant que garants de la santé publique et de l’action climatique. Cette décision constitue un nouveau précédent : toute collectivité locale de l’Union européenne peur dorénavant attaquer la Commission européenne en justice, dès qu’elle considérera la santé, la qualité de vie ou l’intérêt de ses citoyens en danger.
Désormais, la voix des villes compte et elles n’hésiteront pas à être au rendez-vous de ces nouvelles responsabilités. Les villes ont la capacité d’empêcher l’avenir dont nous ne voulons pas, les lobbys industriels doivent en prendre conscience. Construire un avenir durable, au service de l’action climatique et de la confiance en demain, est ce qui anime au quotidien les villes du C40.
“Les citoyens de la ville de Paris et du monde entier réclament une amélioration de la qualité de l’air qu’ils respirent”, déclare Anne Hidalgo, Maire de Paris et Présidente du C40. « Trop longtemps, les constructeurs automobiles et les lobbys industriels ont pu dicter les lois qui régulent certains de leurs produits les plus polluants. Aujourd’hui, le Tribunal de l’Union européenne met fin à ce qui est un danger pour la santé des citoyens européens. Partout dans le monde, les villes prennent des mesures courageuses et grâce à ce précédent juridique, elles pourront continuer à agir ».
"Il n'y a jamais de progrès sans que des intérêts acquis de longue date soient mis à mal", explique Mark Watts, directeur du réseau C40. « Les Maires de Paris, de Madrid et de Bruxelles refusent le statu quo des structures juridiques existantes, et montrent que leur leadership audacieux bénéficiera à chaque citoyen européen. Ces maires agissent à l’échelle de leurs villes pour améliorer la qualité de l'air, en investissant dans le transport public et en favorisant les déplacements en vélo. La pollution de l'air est à l'origine à elle seule de plus de 460.000 morts prématurées chaque année en Europe : les actions de ces maires sont vitales pour notre avenir."
« La décision d’aujourd’hui doit être célébrée, non tant comme la victoire de grandes capitales européennes, mais comme celle de tous les citoyens européens, les premiers à pâtir de l’inertie des politiques publiques, » déclare Jérémie Assous, l’avocat représentant les villes de Paris, Madrid et Bruxelles.
Vingt-six maires, dont treize de villes européennes, se sont désormais engagés à atteindre les objectifs de la Déclaration pour des rues plus vertes et plus saines, en s’engageant à acquérir uniquement des bus à zéro émissions à partir de 2025, et en veillant à ce qu’une grande partie de leur ville atteigne l’objectif de zéro émission de carburants fossiles en 2030. Les signataires de la Déclaration envisagent « un avenir où la marche, le cyclisme et les transports en commun sont les principaux moyens de transport empruntés par les citoyens pour se déplacer au sein de nos villes ».
Les villes concernées sont Londres, Paris, Copenhague, Barcelone, Milan, Rome, Varsovie, Birmingham, Grand Manchester, Oslo, Oxford, Rotterdam et Heidelberg, aux côtés de Los Angeles, Seoul, Tokyo, Medellìn, Quito, Vancouver, Mexico, Seattle, Auckland, Honolulu, Santa Monica, West Hollywood et le Cap. Selon une étude menée par le C40, ces mesures permettraient d’ajouter en moyenne 3 semaines d’espérance de vie à chaque Parisien, et pourraient éviter 45 000 décès prématurés chaque année dans le monde.